Lettre pour un tout autre tronc commun

Tout Autre Ecole s'exprime sur le Pacte, et plus précisément sur le contenu du tronc commun.

750 d’entre nous ont signé une lettre demandant aux parlementaires
d’enfin ouvrir un large débat public sur les finalités éducatives.

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Pourquoi cette lettre ?

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L'enjeu

Le Pacte pour un enseignement d'excellence prévoit d'allonger d'un an la durée du tronc commun. Ce tronc commun engloberait dès lors la 3e année secondaire. Mais le Pacte prévoit aussi de modifier le contenu et la grille horaire de ce tronc commun. C'est sur ce second enjeu que nous voulons intervenir à travers cette pétition.

La nouvelle configuration du tronc commun, actuellement en projet, sera d’abord mise en œuvre dans le maternel et durant les deux premières années du primaire, à partir de 2020. Elle s’étendra ensuite année par année à l’ensemble du primaire et aux trois premières années du secondaire. Autrement dit, le nouveau tronc commun ne sera pleinement opérationnel qu'en 2027.

Le processus de décision

Les propositions actuellement sur la table interviennent au terme d'un processus lancé en janvier 2015 par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Celui-ci visait à négocier un «Pacte pour un Enseignement d’excellence». L'objectif ? Définir les choix à faire pour les 10 prochaines années en matière d'éducation des élèves de 3 à 18 ans.

Le Pacte a été élaboré à travers des groupes de travail et de discussion, des ateliers pédagogiques, une Conférence citoyenne, des consultations itinérantes. Les arbitrage se sont effectué au sein du "groupe central", composé de représentants des cabinets des deux ministres, de l'administration, des fédérations de pouvoirs organisateurs, des organisations syndicales et des associations de parents.

Au mois de mars 2017, ce groupe central a remis au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles un accord négocié à propos des grandes orientations pour l’école de demain.

Le Gouvernement a ensuite mis en débat les actions prioritaires de cet accord à travers des sessions de discussions, des groupes de travail et des consultations citoyennes.

Sur le contenu du tronc commun, un groupe de travail a rédigé un rapport puis la Ministre a dégagé de ce rapport des propositions plus concrètes. C'est sur ces dernières propositions qu'ont été consultés 117 enseignants et citoyens lors d'une journée de consensus qui s'est tenue le 20 janvier 2018. Au terme de cette journée où il était davantage question de modalités que d'orientations fondamentales, une synthèse des échanges a été rédigée.

La Ministre va prochainement transmettre cette synthèse et ses propositions d’action au Comité de concertation ainsi qu’au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, instances qui formuleront également leurs recommandations.

Sur cette base, la Ministre formulera une proposition de grille horaire au Gouvernement.

Les propositions sur la table

Ce qui est actuellement sur la table est présenté dans le document préparatoire à la conférence consensus sur les grilles horaires. C'est par rapport à ces propositions que la pétition prend position.

Ces propositions présentent deux scénarios pour les 6 années du primaire (et les trois du maternel) et trois scénarios pour les 3 premières années du secondaire.

Dans l'enseignement primaire, les deux scénarios ont des points en commun. Les principaux sont :

  • forte augmentation du temps consacré à l'apprentissage d'une première langue moderne ;
  • définition plus contraignante de la répartition de l'horaire entre les diverses disciplines ;
  • affectation de deux périodes par semaine à la différenciation sur la base du niveaux des élèves (dispositif rémédiation-consolidation-dépassement)

Le scénario 1 se distingue du second sur un point essentiel : les périodes consacrées à l’apprentissage du français et des mathématiques y sont renforcées en première et deuxième primaire. Les apprentissages en sciences et en sciences humaines, de même que ceux relatifs aux compétences manuelles, techniques et technologiques, ne commencent qu’en troisième primaire.

Dans l'enseignement secondaire, les trois scénarios ont également des points communs. Les principaux sont :

  • la suppression des activités aux choix ou en option (- 5,3 périodes semaines en moyenne sur les 3 années)
  • l'affectation de deux périodes par semaines à la différenciation en fonction des niveaux des élèves (dispositif rémédiation-consolidation-dépassement)
  • l'augmentation du volume horaire pour la "formation manuelle, technique, technologique et numérique" (+1,7 période par semaine, en moyenne) et pour l'expression artistique (+1,3 période)
  • l'obligation du cours de latin (ce qui représente une diminution pour les élèves ayant aujourd'hui cette option mais une augmentation de 1,3 période par semaine pour les autres).
  • la stabilité du volume horaire dédié à l'éducation à la philosophie et à la citoyenneté ainsi qu'aux cours de religion ou morale
  • la réduction du volume horaires des maths, sciences, sciences humaines et éducation physique, mais toujours en-deçà d’une perte de 1 période/semaine.

Les scénarios se distinguent sur la durée des modules de cours :

  • dans le scénario 1, on passerait à des périodes de cours de 45 minutes regroupées en «blocs» de 90 minutes ;
  • le scénario 2 maintient le système de grille hebdomadaire «classique» composée de périodes de 50 minutes ;
  • dans le scénario 3, l’année serait composée d’une succession de cinq périodes de sept semaines, chacune comprenant six semaines avec une grille «classique» et une semaine «concentrée». Lors de cette dernière, la grille serait basée sur des demi-journées ou des journées entières consacrées à une même discipline.

Globalement, le volume horaire des 9 années du tronc commun est réparti de la manière suivante :

  • Le français et les mathématiques demeurent les disciplines phares : à elle deux, elles cumulent 40 % des heures de cours (avec un peu plus de français que de maths).
  • Deux autres ensembles disciplinaires captent chacun 10 % de l’horaire : les langues modernes, qui sortent renforcées, et les sciences humaines, stables en volume (mais devant ajouter les sciences sociales et économiques aux cours d'histoire et de géographie).
  • Ensuite, 5 ensembles disciplinaires reçoivent chacune 6 à 7 % du volume horaire, ce qui correspond à une moyenne approximative de 2 périodes de cours par semaine : les traditionnels cours de sciences, éducation physique et religion/citoyenneté et les nouveaux ensemble "expression artistique" et "formation manuelle, technique, technologique et numérique".
  • Il reste un peu moins de 10% du temps, dont 1,5% attribué au latin et 7,5 % au dispositif de différenciation, dénommé rémédiation-consolidation-différenciation.

Pourquoi s'y opposer

Les critiques que nous adressons ne portent pas sur l'extension du tronc commun aux 9 premières années de l'enseignement obligatoire. Nous pensons en effet qu'il est tout à fait possible de proposer un tronc commun pour tous les élèves sans mettre certains en échec, sans en démotiver et sans brader le niveau d'exigence... à condition que le contenu soit conçu d'une manière différente des propositions actuellement sur la table.

Nos critiques sont explicitées dans un texte développant les arguments de la pétition.

Nous pensons que la proposition d'utilisation des 7.700 heures de cours est problématique à un triple point de vue :

  • elle s'inscrit en référence à un projet minimaliste consistant à tenter d'égaliser les chances de chaque individu dans la compétition organisée par le système économique alors qu'il faudrait privilégier un projet éducatif visant la sortie du modèle sociétal actuel ; en témoigne par exemple la priorité donnée aux cours de langues modernes plutôt qu'aux cours s'attachant aux questions humaines et sociales ;
  • elle reste bien trop cadenassée par les découpages disciplinaires, les remises en cause de ceux-ci étant très timides (les "semaines concentrées" du scénario 3 du secondaire ne concernent que les disciplines perçues comme mineures) ; on observe même que la tendance, pour les 6 années primaires, va dans le sens inverse ;
  • elle ne porte que sur les 7.700 heures de cours et non sur les 2.300 heures hors classe, témoignant de l'insuffisante prise de conscience que l'école est tout autant un lieu de vie que d'apprentissage.

Certaines de ces critiques ont été exprimées lors de la journée de consensus, même si les questions qui y étaient posées visaient à éviter une remise en cause des arbitrages effectués en amont.

10.000 heures

10.000 heures est une estimation minimale du temps passé par les élèves à l'école durant les 9 années du tronc commun (6 années primaires et 3 premières années du secondaire).

Ce total regroupe 7.700 heures de cours (de 60 minutes) et 2.300 heures de temps scolaire en dehors de la classe (si l'on compte 1h30 de cantines et récréations quotidiennes).

10.000 heures, c’est environ un cinquième du temps de vie que les jeunes ne passent pas à dormir entre leur 6e et leur 15e anniversaire (et probablement un quart si l’on compte le temps de travail scolaire à domicile).

 

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des écoles en chantier

 

Le texte de la lettre

Pour un débat sans tabou sur le contenu du tronc commun

Définir le contenu du futur tronc commun constitue un enjeu essentiel. Il s’agit en effet de dire à quoi seront consacrées les 10.000 heures que nos enfants passeront à l’école entre 6 et 15 ans.

Ce débat est ouvert dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence. Malheureusement, les propositions des pilotes et négociateurs de ce Pacte restent trop engoncées dans la vieille tradition scolaire faite de découpages disciplinaires et de guerres de tranchées entre elles.
Elles ne font pas davantage rupture avec un projet éducatif qui consiste pour l’essentiel à préparer les individus à la lutte des places et à la recherche de la performance économique.
Elles ne prennent pas la mesure des défis d’une génération qui devra sortir l’humanité des logiques aliénantes et déshumanisantes que nous avons laissé se déchaîner.

A l’heure où il n’est plus temps de rénover l’école mais de la repenser en profondeur, nous pensons que ces propositions ne peuvent pas servir de cadre au débat. Nous ne voulons pas d’un énième toilettage d’un modèle épuisé. Nous voulons repartir d’une page blanche et commencer par discuter en profondeur des finalités de l’éducation (et de nos désaccords à ce propos).

Dans ce débat, nous voulons défendre l’idée que notre défi commun est l’avènement d’une tout autre humanité, où la quête de toute-puissance serait remplacée par la modération, la tolérance par la fraternité, l’aide ponctuelle par la solidarité structurelle, l’égalité des chances par la réduction drastique des inégalités de pouvoir, de reconnaissance et de revenus, l’innovation aux mains du marché par l’innovation d’intérêt général, la gouvernance technocratique par le gouvernement démocratique.

Depuis des lustres, notre communauté belge francophone n’a pas eu l’occasion de débattre en profondeur de l’usage du temps considérable que nos enfants passent à l’école. Nous réclamons à présent un large débat, ouvert et sans tabou, partant des finalités et définissant sur cette base les curricula et les conditions à réunir pour que les professionnels puissent mener à bien l’ambitieux projet dont nous les chargerions.

Nous exhortons le Parlement à reprendre en main ce dossier essentiel et à dégager avec nous une voie alternative là où beaucoup affirment qu’il n’y pas d’alternative. L’enjeu est à ce point crucial que les mois de débats ne seront pas du temps perdu.

 

Merci aux 752 signataires

Voir la liste des 752 signataires

Les retombées de la lettre

La lettre a été signée par 750 personnes a été envoyée aux parlementaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles et aux médias.

Le relai dans les médias

Dans La Libre

Publication de notre lettre et de la liste des 750 signataires

Référence à notre lettre dans un article de Bosco d'Otreppe à propos des débats autour du tronc commun.

Dans Le Soir

Publication de notre lettre et de la liste des 750 signataires

Sur La Première

Dans Débat Première, le 27 mars, le débat "Pacte d'excellence : tronc commun, c'est quand qu'on va où ?", animé par Bertrand Heine, avec Bernard Delvaux, représentant de Tout Autre Ecole, et Anne Morelli, représentant les 1.000 signataires d'une pétition demandant le maintien d'un cours spécifique d'histoire.

Les réponses des parlementaires

Réponses des député-e-s Trachte (ECOLO), Stommen (cdH), Potigny (MR), Vienne (PS), Waroux (cdH), Lecerf (MR) et Dupont (PS)

Réponse de la députée Françoise Bertieaux