Ce dimanche 11 juin 2017, à Ottignies-Louvain-la-Neuve, 79,3 % des participants à la consultation populaire sur la question de l’agrandissement du centre commercial, se sont prononcés en défaveur de l’extension. Exactement 6958 personnes de 16 ans et plus se sont déplacées pour exprimer leur avis, soit 26% des personnes en âge de voter. « Aujourd’hui, le propriétaire de l’Esplanade envisage d’agrandir sa surface commerciale. Êtes-vous favorable à une extension du centre commercial ? », énonçait la première question du bulletin de vote. Sous cette question, les votants étaient invités à se prononcer, s’ils le voulaient, sur leur accord ou désaccord avec vingt propositions sensées argumenter le choix premier : dix propositions en faveur du projet et dix autres en défaveur. Depuis des mois, les débats se sont multipliés autour de cette consultation et des questions soumises au vote. Voici un bilan des débats qui se sont entremêlés depuis le début du processus.
Sur la forme, d’abord, les débats ont enflammé tous les « camps » en présence. Qui de la majorité Écolo-PS-CDH, de l’opposition MR, ou de la plate-forme citoyenne rassemblant associations locales et citoyens isolés, a pris en premier l’initiative de demander la consultation ? Dans un contexte officieux de pré-campagne électorale pour 2018 où chacun affirme être le premier et meilleur défenseur des intérêts de la population, les attaques entre les groupes ont fusé tout autant que les justifications politiques ou que les considérations juridiques. Y a-t-il des intérêts financiers ou des enjeux pré-électoraux qui biaisent les procédures et les questions ? Entre combats politicards et accès peu évident à l’information juridique, le citoyen essaye de se positionner. Heureusement, au-delà des jeux politiciens habituels (sont-ils inévitables?), chaque position en présence a beaucoup argumenté, des débats formels et informels ont eu lieu, les médias ont relayé en masse et la démocratie, en somme, s’est mise en branle.
Sur le fond ensuite, c’est entre des argumentaires pragmatique et idéologique qu’ont choppé les réflexions. Pragmatiquement, qui peut être contre une construction qui va contribuer à compléter la dalle piétonne de Louvain-la-Neuve, si chère à financer, ou encore, une construction qui accroîtrait le confort de pas mal d’usagers ? En outre, qui voudrait (ou pas), que Louvain-la-Neuve devienne un pôle commercial en Brabant Wallon, transférant ainsi des emplois d’un lieu à l’autre et captant davantage le pouvoir d’achat ? Pragmatiquement aussi, qui voudrait augmenter l’affluence automobile et l’émission de particules fines ? Qui voudrait que la gare soit potentiellement couverte par des galeries commerçantes où les publicités inciteront les navetteurs à consommer ? Et quid de la création ou de la perte d’emploi ? Quid du développement ou du déséquilibre commercial de la ville ? Des pour et des contre, donc, si on ne regarde que les aspects pratiques du projet potentiel.
Du côté idéologique, ce sont les modèles économiques et les choix de société, qui sont questionnés. Peut-on encore, maintenant que sont avérés les limites et dangers environnementaux planétaires ainsi que les conditions de vie quasi-esclavagistes des travailleurs du Sud qui produisent les conditions matérielles de notre économie soi-disant « immatérielle » de production de savoirs, peut-on encore cautionner le développement de centres commerciaux dont les loyers seront tellement chers que seules pourront s’y installer des multinationales généralement peu scrupuleuses du respect de l’environnement et des droits humains ? Et si les loyers seront exorbitants, c’est que le propriétaire de l’Esplanade a pour principal objectif d’augmenter les dividendes de ses actionnaires, comme le laissent comprendre ses rapports annuels, ce qui ne sera possible qu’en rentabilisant ses futurs espaces commerciaux. Est-ce aussi cette inégalité à l’accumulation des richesses que l’on veut promouvoir en acceptant de donner notre argent à des promoteurs immobiliers déjà immensément riches ?
À Louvain-la-Neuve, c’est un autre modèle de société qui est prôné par les opposants à l’extension du centre commercial : oui aux petits commerces locaux et aux emplois de qualité, oui au respect des travailleurs du Sud, stop aux émissions de gaz carboniques provoquées par les transports de marchandise, à la surconsommation et à l’exploitation inconsidérée des ressources naturelles, oui à la construction d’un fonctionnement alternatif ici et maintenant… Sont-ils si idéalistes, finalement, ces opposants qui sont capables d’imaginer et de mettre en place concrètement de nouveaux modèles de fonctionnement économique et démocratique, en tenant compte des réalités matérielles de notre monde ? N’est-il pas plus idéaliste de croire qu’on va pouvoir continuer indéfiniment à fonctionner selon des modèles économiques de plus en plus obsolètes dans un monde où les ressources non renouvelables sont déjà presque épuisées ?
Dans ces débats entremêlés, c’est sur de véritables questionnements économiques et choix de société, que les citoyens d’Ottignies-Louvain-la-Neuve étaient invités à s’exprimer en ce dimanche ensoleillé. Ils se sont montrés concernés en explosant les records de participation pour ce genre de démarche démocratique. Il faut croire que l’espoir d’une société démocratique et émancipée a encore de beaux jours devant lui… Osons croire que ne fait que commencer !
À propos de l’auteur