La Ville de Liège a décidé ce mercredi 24 mai 2017 de signer un nouveau contrat publicitaire par lequel elle s’engage avec la société multinationale JCDecaux jusqu’au 31 décembre 2032.
Cette décision est tombée cinq jours avant l’interpellation citoyenne d’une membre du collectif « Liège sans pub », prévue de longue date et inscrite à l’ordre du jour du Conseil Communal de ce lundi 29 mai.
Le collectif s’interroge sur l’empressement du Collège, qui annonce sa décision en avance de trois mois sur le calendrier prévisionnel adopté par le Conseil communal du 24 octobre 2016.
« Liège sans pub » a développé ses arguments contre le renouvellement du contrat publicitaire dans un manifeste qui a déjà recueilli plus de 4.000 signatures en ligne sur liegesanspub.be, et un millier supplémentaire via des formulaires mis à disposition dans les commerces et lieux associatifs qui soutiennent l’initiative. Fort de cette mobilisation, le collectif espérait ouvrir un débat au Conseil communal sur la place de la publicité dans l’espace public.
Le collectif interprète l’annonce précipitée de cette décision du collège comme une volonté de couper court à la mobilisation et de mettre en sourdine les arguments du collectif citoyen et des 5.000 signataires.
Par ailleurs, dans le communiqué publié sur le site de Monsieur le Bourgmestre, les précisions données sur le nouveau contrat vantent une réduction de l’empreinte environnementale, une diminution du nombre de faces de publicité, et une augmentation des recettes pour la Ville. Ces arguments ne convainquent pas et occultent difficilement le choix de société qui vient d’être posé par le Collège communal et qui affectera la vie des liégeois-e-s pour les 15 années à venir.
La démarche environnementale proposée pour les abris de bus peut être saluée. Toutefois, elle n’empêchera pas que, même recyclé, ce mobilier continuera à servir de support à des messages qui poussent à la surconsommation, au gaspillage et à la destruction de matières premières. Le reconditionnement et la remise en couleur de ces aubettes ne rendront pas moins dérangeante la publicité qui y sera apposée.
La réduction du nombre de face publicitaire est présentée comme la concrétisation d’une proposition formulée dans le cadre de « Réinventons Liège » et comme une réponse à une demande de citoyen-ne-s et de plusieurs collectifs. Ceci laisse penser que le Collège serait entré dans un dialogue avec les citoyens concernant la diminution de la publicité en ville. Or, la proposition en question, prévoyant une réduction marginale du nombre de faces publicitaires traditionnelles sans mentionner l’ajout de 20 écrans vidéos LED, a été introduite sur la plateforme « Réinventions Liège » par la Ville elle-même, et correspond exactement aux quantités prévues dans l’appel d’offre. Il ne s’agit donc pas d’un effort consenti suite à dialogue avec les citoyen-ne-s. La diminution ne rencontre pas non plus la demande portée par Liège sans pub.
Par ailleurs, l’arrivée de 20 nouveaux écrans vidéo LED - que le communiqué du Bourgmestre ne mentionne pas non plus – entre en contradiction avec les objectifs de diminution des espaces publicitaires annoncés par la Ville. Loin de diminuer la pression publicitaire, ces panneaux permettent (pour un coût énergétique important) de décupler les affichages avec un pouvoir de captation de l’attention beaucoup plus important.
Il faut également rappeler que la diminution annoncée des faces publicitaires s’accompagne d’une diminution proportionnellement plus importante du nombre de faces dédiées à l’affichage d’intérêt communal et aux plans de ville (respectivement de 150 à 130 et de 80 à 50).
Bien que la compensation financière proposée par JCDecaux soit importante, cette attribution acte une augmentation et un prolongement de la dépendance de la Ville de Liège au financement publicitaire. Cette dépendance est regrettable car elle s’étale de nouveau sur 15 ans, elle exercera une contrainte sur les futures majorités communales et elle se justifie difficilement sans une prise en compte sérieuse et étayée de l’ensemble des coûts financiers, sociaux, sanitaires, environnementaux directs ou indirects ainsi que du manque à gagner pour les commerces locaux ou le tourisme.
Cette source financement ne répond pas non plus à un impératif d’équité fiscale. Le Collège ne fait pas participer le secteur de la publicité, il vend l’attention de ses citoyen-ne-s liégeois-e-s (ce que les annonceurs appellent les occasions de voir -ODV- pour quantifier leurs offres) à des annonceurs privés ; car ce sont bien les liégeois-e-s qui sont mis à contribution 24h sur 24, 7 jours sur 7, 365jours par an par la présence de publicité dans l’espace public. Autrement dit, c’est parce que la publicité constitue une pollution visuelle pour ses citoyens que la Ville en tire une compensation financière et matérielle.
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Parce qu’il refuse le fatalisme qui s’accommode de la pollution visuelle de multinationales privées pour financer les services publics, le collectif Liège sans pub continuera à porter ses revendications pour un espace public libéré de la publicité et à alimenter le débat pour voir émerger des alternatives.
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